Renaissance

« Un jour s’éveille comme chaque jour… Rien d’important… Rien de nouveau… Les tâches quotidiennes s’égrènent jusqu’au rendez-vous.. banal… juste une visite de contrôle comme bien d’autres depuis vingt ans. Et le verdict tombe ; d’autres analyses s’enchaînent ; ça va trop vite… stop j’arête tout… Je me bats… A quoi bon ? Tenir. Encore. De si beaux jours devant soi… Et puis l’amour… Comment ? Comment faire ? Garder la tête haute, ne pas sombrer, ne pas faire comme tout le monde : s’apitoyer… Ça n’en vaut pas la peine… Il faut y aller… Alors, j’y vais.
Un jour s’éveille comme chaque jour, et je suis allongée, mutilée, mais vivante. Je suis debout… Je n’ose pas encore me regarder en face : une partie de moi s’en est allée… une partie de ma féminité… Et je me trouve soudain belle… plus belle… moi-même : je m’accepte, pas tous les jours, mais j’accepte. Je me bats face aux autres, je craque, je recommence, je crie, je chuchote… Je regarde devant ; je suis sauve et qu’importe que la longue maladie ait emportée une partie de ma féminité, je n’en ai pas besoin pour vivre ; je ne veux pas d’un ersatz, de cette difformité qu’on enlève ou remet au gré du regard des autres. Je suis moi, j’assume et je revendique ma distinction. Je revis avec un corps tout neuf, ragaillardi avec lequel je compose. Elle est partie, mais je sais qu’elle reste tapie dans l’ombre, guettant la moindre faiblesse. Mais elle n’aura l’occasion : je suis en paix avec moi-même, enfin. J’ai tant de choses à vivre encore…
Un jour s’éveille, comme chaque jour, et chaque fois, le miracle s’accomplit : je vis comme je renais à moi-même ».
A mon amie Sylvie qui à tant souffert mais a toujours gardé la tête haute… et le corps bien fait !
Valérie Lenglaert
27 février 2012
Lui et moi.

Je me suis enfuie
Le mal me poursuit
Je ne sais pas où il me conduit
Je me suis arrêtée
Le cancer m’a rattrapé
Je sais qu’il va me happer
Je l’ai regardé en face
Juste pour briser la glace
Et qu’il comprenne qu’il n’est pas une menace
Je suis repartie
Avec le prix d’une mastectomie
D’où j’en ressors en vie
Une existence nouvelle m’est donnée
Dans ce corps mutilé
Que je sais avoir apprivoisé
Pour vous l’exposer en toute simplicité.
Sylvie Verschoore
La dame


La dame noire a étendu son voile
M’enveloppant dans son râle
Le corps en offrande
Corps dépossédé
Corps dansé
Corps décomposé
Corps gêné
Corps né
Corps caché
Corps exhibé
Corps exigé
Corps mortifié
La dame blanche a exulté son mal
M’ôtant un brin de féminité
Me laissant en sursis
Renaissance du corps.
La dame blanche est passée me voir
M’a raconté une belle histoire
Rencontre d’une étoile
Corps regardés
Corps admirés
Corps enlacés
Corps cassés
Corps épuisés
Corps blessés
Corps apprivoisés
Corps embrassés
Corps aimés
La dame blanche m’a dit bonsoir
M’ayant mis tous les sens en émoi
Me laissant avec mon effroi
Renaissance de l’âme.
Sylvie Verschoore